L'ultra-droite française instrumentalise le conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie

      

    Analysant invervention de Nicolas Bay au Parlement Européen, député européen Vice-président du groupe Identité et Démocratie Président du groupe Rassemblement National au Conseil régional de Normandie, nous distinguons comment l'ultra-droite et les groupes identitaires en France perçoivent de manière générale le conflit arméno-azerbaïdjanais. Selon Nicolas Bay, catholique pratiquant (d'où vient probablement son homophobie affichée) et fervent supporter de la théorie du grand remplacement, l'Arménie chrétienne est actuellement menacée par les Azéris musulmans, par extension, selon lui, la civilisation occidentale à l'image des Arméniens est opposée à la barbarie musulmane. En effet, cette position de Monsieur Bay est aussi celle de sa famille politique, là, il ne faisait que relayer la position des siens. L'esprit de sa vision n'est guère une ligne de clivage dans le champ politique français, cette lecture religieuse du conflit du Haut-Karabakh étant désormais assumée par bien d'hommes politiques français, de toutes tendances confondues. Parmi 173 élus français qui ont signé une "tribune plaidant pour que la France soutienne l'Arménie dans le conflit du Haut-Karabakh", on trouve presque toutes les couleurs de l'espace politique français, de Michèle Rubirola, maire de Marseille, (Les Verts) à Hussein Bougri - sénateur de l'Hérault (Socialiste). Parmi eux, Eric Pauget, député LR des Alpes-Maritimes, a plus tard justifié sa position avec la nécessité de défendre, sur sa page Facebook, l'Arménie chrétienne en danger". Nicolas Dupont-Aignan apporte aussi ouvertement son soutien, accusant tout d'abord la Turquie et même pas citant le nom de l'Azerbaïdjan, l'une des parties du conflit."Les Européens devraient soutenir, en toute logique civilisationnelle, l'Arménie !", explique à son tour, Eric Zemmour.

        Aussi, les reporters et experts des chaînes de télévision (ARTE, FRANCE24) et les plumes de grands quotidiens français, sans-gêne, ont recours à la même sémantique religieuse que l'ultra-droite française, sans s'en rendre compte, je suppose. Certaines restent bien sûr fidèles à leur ligne éditoriale. 


     D'ailleurs, signalant très vite cette instrumentalisation grossière du conflit arméno-azerbaïdjanais par l'extrême-droite française, les journalistes français ont reçu la menace de mort et la Libération a été par conséquent poussé à supprimer l'article de son site internetPierre Plottu et Maxime Macé écrivent : 

"Du Rassemblement national aux identitaires, l’extrême droite française a pris fait et cause pour l’Arménie dans le conflit au Haut-Karabakh. Un soutien opportuniste qui vise à matérialiser son discours antimusulmans et faire d’Erdogan l’épouvantail d’un islam présenté comme conquérant et menaçant l’Occident chrétien". 

    Les journalistes français constatent que sans analyse approfondie de ce conflit complexe les hommes politiques de l'extrême-droite française apporte une réponse simpliste et opportuniste : 

"Au-delà du sort du Haut-Karabakh et des considérations anti-impérialistes, le sujet qui mobilise l’extrême droite française est ainsi bien la prétendue agression des musulmans azéris contre les chrétiens arméniens (alors que personne n’est en mesure, à l’heure actuelle, de dire qui est responsable de ce nouveau regain de tensions de cette guerre larvée qui dure depuis près de trois décennies)". 

     L'image de Laurent Wauqier, qui s'est posée, très probablement en raison de son faible niveau de connaissance géographique, devant une carte de la Grande Arménie au dépens de la Géorgie, l'Iran, la Turquie, voire l'Iraq, pour afficher son soutien au "peuple chrétien arménien",  illustre bien ce que l'on vient d'évoquer ci-dessus. D'ailleurs, il a tweeté à cet égard que "13 tonnes de médicaments et matériel" ont été envoyé aur Arméniens du Haut-Karabakh, et ceci, grâce à l'argent débloqué par la Région qu'il dirige. (55 000 euros). 



    Guy Teissier, député LR des Bouches-du-Rhône, Maire honorraire des 9. et 10ème arrondissements de Marseille (ces zones concentrent une population importante d'origine arménienne), est en première ligne, relatant partout sa vision simpliste du conflit caucasien : sans aucune retenue, il appelle à défendre les chrétiens d'Arménie et du Haut-Karabakh, laissant entendre que l'ennemi qui menace est musulman. Cette prise de position pro-arménienne n'est pas difficile à déchiffrer, lui-même poursuivant les objectifs électoralistes à Marseille. A ce propos, plus que lui-même, Valérie Boyer, fière de porter une croix arménienne achetée au marché d'Erevan, est une amie proche des cercles de la diaspora arménienne à Marseille dont l'aide a toujours été déterminante pour sa carrière politique à l'Assemblée Nationale.  



    Pour les chercheurs travaillant sur le répertoire politique de l'extrême-droite européenne, cette situation tout à fait compréhensible : l'extrême-droite européenne tend à instrumentaliser les conflits externes à des fins politiques à l'intérieur, en les ré-interprétant à leur manière. Geer Wilders, champion de l'islamophobie néerlandaise, a déjà sauté sur l'occasion, accentuant l'idée que l'une des parties bélligérantes est "musulmane" et que l'Arménie chrétienne se battrait contre les islamistes barbares. La fraction parlementaire de l'extrême-droite a même déposé une motion appellant aux sanctions contre l'Azerbaïdjan. D'ailleurs, rejetée, cette motion n'est pas du tout du goût des compagnies pétrolières du Pays-Bas opérant à Bakou

    L'activisme diplomatique de la Turquie, prenant ouvertement parti de l'Azerbaïdjan, renforce ce discours civilisationnel. Cet activisme turc aide les tenants de ce discours à propager davantage leur vision, consolidant les hommes politiques français de différents camps. Les déclarations d'Erdogan créent de la confusion chez beaucoup d'hommes politiques français, qui interprètent à leur tour la guerre entre Azerbaïdjan et Arménie comme la continuation des opérations militaires turques en Syrie, Lybie et Iraq, et elles aident à diffuser cette lecture identitaire et civilisationnelle du conflit arméno-azerbaïdjanaise en France. Du coup, le rôle de la Turquie est exagéré, on lui attribue toute la responsabilité de la guerre, même à ce point que parfois d'autres paramètres liés au conflit, l'Azerbaïdjan et ses intérêts d'État et ses propres raisons pour mener cette guerre, sont completement mis de côté.  


      "Le conflit est ainsi présenté par l’extrême droite française comme un nouvel épisode de l’impérialisme d’Erdogan «l’Ottoman». Celui-ci, après l’instrumentalisation des réfugiés, les tensions en Méditerranée ou son implication diplomatico-militaire dans le conflit syrien, est ainsi (re)devenu l’une des cibles favorites de l’extrême droite française"., écrivent à ce propos les journalistes de la Libération, cités ci-dessus. 


    A cet égard, la déclaration brusque du président Macron suggérant qu'il existerait les djihadistes syriens en Azerbaïdjan - sans présenter aucune preuve tangible pour l'étayer - a alimenté les fantasmes de la guerre entre croix et croissant. Une semaine après cette déclaration, le président azéri, Aliyev, dit qu'il attend toujours des preuves et se plaint que "Macron tarde à prouver ses allégations honteuses". Déclarant publiquement que les djihadistes sunnites syriens, irakiens etc., (l'adhésion des Azéris aux chiisme duodécimain est ignorée) participent à la guerre à côté des Azéris dans le conflit Haut-Karabakh, le Président de la République a directement contribué à la diffusion de l'idée de "choc de civilisations". 

    

 Prêtre de l'église Apostolique Arménienne, le 28 septembre 2020

    La perception de cette vision religieuse n'est pas univoque dans la communauté arménienne de la France. L'analyse des réseaux sociax laisse à suggérer que beaucoup sont parmi les Français d'origine arménienne qui adhère ce discours : la mise en avant sur les réseaux sociaux les images de telle église ou un tel monastère touché par les obus tirés par les Azéris, soldats accompagés par la croix et les signes religieux (les icônes des Saints), l'association des Azéris aux moudjahidines afghanes ou pachtounes.... Surfant sur l'atmosphère anti-ottomane, le PM arménien est même allé jusqu'à prévenir que si l'Europe ne réagissait pas au sort des Arméniens, après la Grèce et l'Arménie, les Turcs vont aller conquérir jusqu'à Vienne


                                 

                                                               L'extrait de la Libération  

De l'autre côté, cet usage grossier des réferences religieuses dans la guerre du Haut-Karabakh n'est pas très visible chez les Azéris, d'autant plus qu'ils essayent tout délicatement d'éviter la question. La participation des Français d'origine arménienne dans ce conflit étant désormais confirmée par les reporters russes et français, et par les concernés eux-mêmes sur les réseaux sociaux, Bakou préfère parler de l'internationalisation du conflit par les autorités arméniennes, l'engagement des Arméniens libanais, syriens et français dans les combats contre l'armée azérie. La Libération a fait un grand reportage sur quinzaine de Français d'origine arménienne partis se battre en Azerbaïdjan.  

     Il est vain de parler des groupes néo-faschistes marginaux dans plusieurs pays européens, comme les ultra-nationalistes grecs qui appellent à rejoindre les forces arméniennes dans le Haut-Karabakh, ou comme les ultra-orthodoxes serbes saluant la vente d'armes à l'Arménie par le gouvernement serbe, dénoncée par Bakou. D'ailleurs, les néo-faschistes serbes se sont pris démonstrativement à la statue de Heydar Aliyev à Belgrad.  Quant aux groupes identitaires en France, à travers leur fameux site internet, le danger islamiste contre l'Arménie est souligné.  A ce propos, n'oublions pas l'extrême-droite allemande, dont les députés sont venus visiter le Haut-Karabakh en plein conflit armé apportant leur soutien inconditionnel. Les médias français dont la Libération, ont déjà signalé la participation directe du leader néo-nazi français dans les combats contre l'Azerbaïdjan au Haut-Karabakh. Marc de Cacqueray-Valmenier, alias Marc Hassin pour les intimes, (leader des Zouaves Paris) semble d'après plusieurs informations concordantes se trouver en Arménie pour aller combattre dans le Haut-Karabagh"





        Les groupes néo-faschistes serbes proteste contre l'Azerbaïdjan la statue d'Haydar Aliyev à Belgrad

   

            

                                            Les groupuscules néo-nazis en Roumanie, Camarazii Romania

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